AVOCAT AU BARREAU DE PARIS - Droit des personnes - Réparation du préjudice corporel

Maître Dominique Alric
27 rue la Boëtie
75008 Paris

BILLETS D’HUMEUR


Me Dominique ALRIC propose d’analyser périodiquement dans cette rubrique une décision récente dans le domaine du préjudice d’ordre corporel.


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Digest: du distilbène (exposition in utero au DES)

 
Cass. 2ème Civ., 08/06/2017, n° 16-19185
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000034903324&fastReqId=561208203&fastPos=1

Abstract:
- ayant été exposée in utero au Diéthylstilbestrol (DES) en raison de la prise de distilbène par sa mère au cours de sa grossesse, une personne souffrant d'infertilité assigne le fabriquant en responsabilité et indemnisation
- statuant sur le pourvoi du Groupe UCB Pharma, la Cour de Cassation retient le lien de causalité et fait droit aux demandes de la victime et de ses proches
- cette décision du 8 juin 2017 s'inscrit dans la lignée de précédents arrêts concernant des victimes du distilbène de la 2è et 3ème génération

Rappel:
Il convient de rappeler qu'environ 200.000 femmes se sont vu prescrire du distilbène entre 1948 et 1977 (date de son interdiction en France), afin de prévenir le risque de fausse couche.

Des effets indésirables liés à ce traitement sont malheureusement à déplorer pour les enfants, tant pour les filles (doublement du risque du cancer du sein, anomalies potentielles du vagin et de l'utérus), que pour les garçons (malformations génitales).

Des études portant sur les "petits-enfants DES" (c'est à dire les enfants dont la mère a été exposée in utero au DES) attestent notamment d'une augmentation du nombre d'atrésies de l'oesophage.

Discussion:

L'arrêt confirmatif de la Cour de Cassation du 8 juin 2017 retient sur la base des conclusions d'un rapport d'expertise judiciaire que certaines des anomalies relevées sont liées de façon certaine et exclusive à l'exposition au DES, et que même si des discussions existent sur d'autres points, cette exposition au DES est bien la cause de son infertilité.

La Cour de Cassation se penche par ailleurs sur diverses demandes indemnitaires, dont deux au moins méritent l'attention:

- Préjudice d'Etablissement

Il s'agit de la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap, la victime soutenait que son infertilité imputable à l'exposition au distilbène lui interdisait d'avoir des enfants biologiques, le recours à l'adoption étant par ailleurs source de répercussions sur sa vie familiale.

La Cour de Cassation rejette toutefois sa demande, car il résultait de l'adoption qu'elle avait fondé une famille.

- Préjudice d'anxiété

La victime faisait valoir un préjudice d'anxiété, caractérisé par la crainte de la survenance d'un cancer du sein ou des organes génitaux (conséquences potentielles connues de l'exposition au DES), préjudice non objectivé.

La Cour de Cassation se retranche devant l'appréciation souveraine des Juges du fond, et rejette également sa demande, rappel étant fait que la surveillance particulière dont la victime faisait l'objet et les examens plus fréquents ont été indemnisés au titre du déficit fonctionnel permanent (DFP).


Le Cabinet de Me ALRIC se tient au côté des victimes pour les assister dans leurs démarches amiables et/ou judiciaires.